Frotter, friser, fracasser, frouer, frire,… si tous les verbes qui commencent par le son « fr-« , ne disent pas la même chose, leur son d’attaque leur donne en commun une ambiance de fr- fr-… A se demander si au moment où il a choisi de prendre pour nom d’artiste Fred Frith, le guitariste, improvisateur compositeur a voulu jouer de tout ce que l’allitération en fr- venait lui offrir de frottement, de frisure, de fracassement… autant de mots en fr- qui vont guider la discussion et permettre de frayer un chemin d’écoute parmi les dizaines d’albums qu’il a enregistrés ces cinquante dernières années. Fred Frith est l’invité unique de ce numéro « Frayer » de Metaclassique.
En 2011, alors que l’American Musicological Society fêtait ses 75 ans, elle invitait la musicologue féministe Suzanne Cusick qui constatait que la société savante était beaucoup plus inclusive des femmes qu’elle ne l’était à sa naissance, tout en restant toujours exclusive d’autres groupes minorisés. Mais en 2011, aucune recherche systématique n’avait été mené sur les activités musicologiques des femmes. Comme si les études de genre devaient prioriser les champs d’activité les plus visibles et s’inquiéter des musiciennes, des compositrices avant de fouiller dans les travaux des chercheuses. En 2025, paraît aux éditions Symétrie un ouvrage collectif intitulé : Femmes en musicologies francophones de Michel Brenet à Solange Corbin, dont Metaclassique reçoit les deux directrices, les musicologues Catherine Deutsch et Isabelle Ragnard.
Du duel de 1709 entre Haendel et Scarlatti au duel de 1799 entre Wolfl et Beethoven en passant par la joute Mozart/Clementi organisé par l’Empereur Joseph II pour le soir de Noël 1781, le 18è siècle est parsemé de ces duels musicaux qui laissent à penser que les nobles n’avaient rien de mieux à offrir aux talents musicaux de leur époque que de les mettre en compétition.
Les récits ont beau s’arranger avec les faits pour dire que les organisateurs de ces joutes n’allaient jamais jusqu’à les départager et finissaient toujours par tous les déclarer vainqueurs, la mise en compétition a quand même fait son œuvre puisque deux ou trois cents ans plus tard, Mozart a terrassé Clementi au jeu de la célébrité, Beethoven l’a très largement emporté sur Wolfl : on se laisserait presqu’à croire que tel vaut donc mieux que l’autre et que l’écoute, la réécoute et la réréréécoute de Mozart seraient toujours mieux que la redécouverte de Clementi.
Dans le cas de Haendel et Scarlatti, voilà des compositeurs qui disposent tous les deux d’une si haute renommée qu’on n’oserait s’amuser au moindre arbitrage. De leur duel de 1709, on a gardé l’habitude d’un vis-à-vis. C’est comme ça qu’il y a 24 ans, un musicien de 24 ans, Luca Guglielmi a enregistré pour le label Stradivarius le disque « Rome 1709. Haendel versus Scarlatti« , tandis qu’il y a quelques mois, un autre musicien de 24 ans, Cristiano Gaudio a fait paraître chez Encelade un disque Haendel versus Scarlatti. Pour ce numéro « Batailler » de Metaclassique, nous allons interroger ce que peut nous apprendre ce « versus » en recevant Cristiano Gaudio et Luca Guglielmi, que nous écoutons dans le Prelude en ré mineur HWV 564 de Haendel.
En 1674, Boileau prévient, dans l’Art poétique que « Le théâtre, fertile en censeurs pointilleux, / Chez nous pour se produire est un champ périlleux. / Un auteur n’y fait pas de faciles conquêtes ; / Il trouve à le siffler des bouches toujours prêtes. » Trois-cents cinquante ans après ces vers de Boileau, leur actualité n’est que relative. Car il semble qu’au 21ème siècle, les huées attendent sagement la fin du spectacle pour se faire entendre, comme si la participation du public au spectacle s’était faite de plus en plus discrète au cours des trois siècles et demi derniers. Pour proposer une histoire des huées, Metaclassique réunit à la Bibliothèque La Grange Fleuret trois spécialistes : Julia Gros de Gasquet pour porter la voix du public sous l’Ancien Régime, Jean-Claude Yon pour entrer dans les huées du XIXè siècle et Étienne Jardin pour évoquer le procès des siffleurs dans les premières années du XXè siècle.
À se laisser prendre dans une cascade de notes resserrées et régulières, la musique peut épouser le rythme d’un moulin à eau et le pianiste peut alors s’identifier au meunier ou à la rivière dont il tire force de la nature. Et comme la métaphore du moulin est la mieux placer pour donner du grain à moudre, la musicologie égrènera mieux encore si elle se met en dialogue avec d’autres voix qui abordent le moulin, et pourquoi pas les voix règlementaires qui régissent le cours de l’eau.
Pour ce numéro « Mouliner » de Metaclassique, nous allons mettre en dialogue la musicologue et femme de radio Hélène Pierrakos qui a publié aux éditions Fayard, L’ardeur et la mélancolie et le poète Grégoire Sourice qui signe aux éditions Corti, le poème essai Le cours de l’eau qui sillonne les cours d’eau avec le Code civil en tête et n’en finit de s’étonner tant, écrit-il, « On n’imagine pas, lorsqu’on se promène le long d’une rivière, entrer dans le champ d’application d’un article de loi. »
C’est l’histoire d’un troupeau de vaches qui va écouter un concert du Quatuor Lontano. Ou alors c’est l’histoire d’un compositeur qui a fait une partition pour cloches de vaches qui n’a encore jamais été donné en plein air. À moins que ce ne soit l’histoire d’une expérimentation scientifique dont les contours et le bienfondé restent soumis à l’expertise psychologique de l’instructeur. Ce qui est sûr, c’est que, dans cette histoire, tout est question de point de vue. Et d’autant plus qu’à partir de l’enregistrement du Quatuor Lontano au cours de la dernière édition en date des Musicales d’Assy, c’est en multipliant beaucoup les perspectives à son sujet que l’atelier de création radiophonique du Département ARTS de l’école normale supérieure PSL a imaginé, enregistré et monté ce numéro Pâturer de Metaclassique.
Une émission coordonnée par David Christoffel, montée par Mathieu Allag, assisté par Henri Le Goff, avec la participation, dans l’ordre d’apparition : de Pauline Klaus, Erasme Rouxel, Edouard Forster, Mathieu Alag, Henri Le Goff, Vega, Lou Bonkowski, Levana Bordas, Melina Malheurty, Lou Perrin, Mona Tchepiega, Matteo Joyce, Constantin Ory-Lavollée et Mathias Vigouroux.
À la sortie du Conservatoire et avant l’entrée dans la profession, il y a un sas dans lequel les chanteurs peuvent encore chercher leur voix, compléter leur formation, parfaire leurs aptitudes, explorer des répertoires encore mal maîtrisés et, au cours de toutes les dispersions nécessaires à la multiplication des opportunités, stabiliser une manière d’être, une certaine façon de timbrer. Ce numéro « Stabiliser » de Metaclassique entend étirer cette plage de temps où il s’agit d’affirmer sa voix au moment où on est tout juste en train de la trouver en allant à la rencontre d’un chanteur sur une plage de temps assez longue pour arriver à sentir sa stabilité s’instaurer. C’est en complicité avec l’Académie Philippe Jaroussky, nous avons interrogé le ténor Antonin Rondepierre à trois reprises avec 14 mois d’écart entre le premier et le troisième entretien. Une traversée au cours de laquelle on parle de ses progrès, on relève ses envies d’ouverture, ses stratégies de positionnement sur la scène lyrique, sa volonté de stabiliser sa voix et, pour commencer, sa propension à éclaircir ses aigus dans l’un des cours que lui a donné Philippe Jaroussky.
Dans le livre Donner lieu au son paru aux Presses du réel, Alexandre Chévremont parle de la « condition architecturale » de la musique. Il retrace l’histoire de la musique occidentale du point de vue de ses interactions avec les lieux où elle résonne. Et pour déployer le thème de la résonnance qui passe volontiers pour scientifique, Alexandre Chévremont passe par la philologie, par la pensée stoïcienne de la sympathie, par la phénoménologie… Tout en retraçant les allers et retours entre connaissances acoustiques et conscience spatiale de la musique, le philosophe met en relation l’histoire de l’architecture des lieux d’écoute avec l’histoire de la pensée de la forme musicale, jusqu’à se montrer critique des soundmappings qui n’assument leur audio-naturalisme qu’à moitié en prétendant transporter tout un paysage par des cartographies sonores qui commencent par délocaliser l’écoutant dudit paysage. Alexandre Chévremont est l’invité de ce numéro « Résonner » de Metaclassique qui s’ouvre sur une de ces cantates dans laquelle Bach n’aurait sans doute pas ciseler la partie de violon s’il n’avait d’abord acquis confiance dans l’acoustique de l’église Saint-Thomas de Leipzig.
Pendant qu’il a longtemps été reproché à l’éducation nationale de ne proposer aux enfants pour seule pratique instrumentale que de faire de la flûte à bec, il a aussi été reproché aux conservatoires de ne former au seul répertoire de la musique savante occidentale. Et voilà que c’est dans la première classe de flûte à bec qui s’est ouverte dans un conservatoire national, en 1994, à Lyon que s’est développée une ouverture vers les autres formes de flûte et vers les musiques traditionnelles qui leurs sont attachées. C’est comme ça que, dans le cadre d’Erasmus, une étudiante du CNSMD de Lyon a pu aller étudier à Budapest un type spécifique de flûte hongroise, la furulya, le répertoire qui lui correspond, jusqu’à la manière de l’emboucher et même de grommeler dans la furulya, c’est-à-dire la flûte par les bergers des Carpates. Lisa Neffari a été lauréate du prix de la recherche artistique en 2024, un prix initié par Anne de Fornel, directrice de la recherche du CNSMD de Lyon, en partenariat avec le CNSMD de Paris, la HEM de Genève et l’HEMU de Lausanne, en partenariat avec Metaclassique qui accueille, pour ce numéro Grommeler, non seulement Lisa Neffari, mais aussi – en seconde partie d’émission – le fondateur de la classe de flûte à bec du CNSMD de Lyon, Pierre Hamon.
Le goût musical a rarement l’occasion de s’exprimer tout à fait naturellement. Chercherait-il à se dire de la plus simple des manières qu’on pourrait soupçonner qu’il se donne des airs plus ou moins spontanés. Bref, au moment de dire notre avis sur telle ou telle Sonate, on n’a pas encore fini sa phrase qu’on pourrait déjà se sentir guetter dans son snobisme. Est-ce un crime ? Et si oui, à qui profite-t-il ? Virginia Woolf disait que l’essence du snobisme est de vouloir impressionner les autres.
Pour ce numéro « Snober », nous sommes installés à la Faculté de musique de Montréal en compagnie de Mathilde Veilleux qui consacre un master à la question du snobisme en musique et Michel Duchesneau qui a enquêté sur un concert donné en 1911 où les œuvres étaient jouées sans que les compositeurs ne soient cités.
L’usage musical du verbe « frotter » est surtout consacré pour parler des sons émis par frottement par certains instruments à cordes, ceux-là même que l’on appelle les « cordes frottées ». L’acception (disons) technicienne du frottement réduit le « frotter » à un geste instrumental et pourrait rater tous les phénomènes musicaux que le verbe « frotter » peut désigner plus métaphoriquement, mais pas beaucoup moins concrètement. Quand la texture rythmique qui se dégage semble venir d’un frottement plus que d’un décompte des temps. Quand ledit frottement n’est peut-être plus un effet, mais de plus en plus le propos. Ou encore quand un phrasé a même l’air de frotter les limites de ce qu’il peut dire, au risque de limer sa propre consistance et d’abîmer la douceur qu’il pouvait vouloir au départ.
Pour tester jusqu’où le verbe « frotter » peut emmener la réflexion et la perception de musiques d’aujourd’hui, Metaclassique a proposé à trois compositeurs vivants de commenter leur musique du point de vue de ce qui frotte, pas seulement dans la production du son, mais aussi dans ce qui ne finit par s’exprimer que par frottements. Dans l’ordre d’apparition, vous entendrez la compositrice Manon Lepauvre et les compositeurs Demian Rudel Rey et Gérard Pape parler des frottements à l’œuvre dans leurs propres partitions et dans la musique des deux autres.
En 1911, la revue Musica accueillait une enquête pour savoir « Sous la Musique que faut-il mettre ? De Beaux Vers, de Mauvais, Des Vers libres, de la Prose ? » Peut-être parce qu’elle était adressée à des compositeurs, la question supposait donc que la place de la littérature était bien sous la musique et devait donc orienter les réponses dans le pli de cette hiérarchie, même si les réponses étaient assez diverses. Alors surnommé « maître sorcier en musique » en référence à son poème symphonique « L’Apprenti sorcier », Paul Dukas disait pour l’occasion : « Si la musique est bonne, elle mange le vers, qui disparaît ; si la musique est mauvaise, le vers l’écrase et sauve seul, tant soit peu, la situation. » Peut-être que la réussite de L’Apprenti sorcier est d’arriver à illustrer le poème de Goethe par les seuls moyens de la musique, sans même le faire dire ou chanter. À moins que ledit poème symphonique ne raconte justement l’histoire d’un compositeur lui-même débordé par ses propres moyens techniques ?
Pour le numéro « Illustrer » de Metaclassique, nous allons évoquer pendant une heure l’œuvre d’une compositrice qui comptait parmi les élèves de Paul Dukas et qui a passé sa vie à faire des musiques d’illustration : Claude Arrieu. Née en 1903, elle a participé aux premières années des travaux du Club d’Essai de Pierre Schaeffer et a signé la musique de la première fiction radiophonique à recevoir un Prix Italia, Frédéric Général en 1948. Pour Claude Arrieu, une bonne musique dramatique, qu’elle soit composée pour un film ou une pièce radiophonique, remplit bien sa fonction si on ne l’entend pas. Pour l’évoquer, notre invitée est la chanteuse Françoise Masset qui a enregistré des mélodies de la compositrice après lui avoir consacré un mémoire de maîtrise en Sorbonne il y a une quarantaine d’années et n’avoir cessé depuis, de défendre la musique et la mémoire de celle qui, en plus de nombreuses musiques d’illustration pour la radio, a aussi signé beaucoup de musiques dites « de concert ».